Paris, toujours ! de J.P. NISHI
Après "A nous deux, Paris" et "Paris, le retour", JP Nishi revient à Paris, non plus comme employé d'une épicerie vivant dans une chambre de bonne sans confort ... mais en tant qu'invité au Salon du Livre de Paris, dont le Japon est l'invité d'honneur en 2012.
Après le Paris fauché, le Paris des balades en métro (avec sérénades de mendiants), des grandes marches à pied, des ballons d'eau chaude minuscules et des difficultés de compréhension avec les postiers et autres agents du recensement ... il va découvrir le Paris mondain, celui des grands hôtels, des taxis entre Roissy et Opéra, celui des réceptions officielles à l'Ambassade et au Ministère de la Culture ainsi que des plateaux télé ...
Comme à son habitude, il ne manquera pas de sourire de nos travers en croquant d'un coup de crayon tendre et amusé les rituels de la bise, l'engouement des jeunes français pour un Japon imaginaire bien loin de la réalité, la balade au marché aux puces et sa difficile dissemblance avec les brocantes …
Dans un dernier chapitre, on le suivra à Marseille où il constatera que la rivalité de la cité phocéenne avec Paris n’a rien à envier à celle de Tokyo avec Osaka, où il ira à la plage et s’initiera au pastis
Bref un charmant recueil qui nous montre notre pays par le prisme japonais et nous fait sourire de nos travers !
Anatomie de l'amant de ma femme de Raphaël RUPERT
Raphaël, architecte en "transition professionnelle", est écrivain, enfin il essaie de l’être ou plutôt de le devenir !
Epoux d'une écrivain(e) qui publie régulièrement un livre par an, il traîne à la maison cherchant l'inspiration, lui cuisinant ces plats tripiers qu'elle affectionne, visionnant des films pornos, et alignant quelques mots chaque jour ...
Il tombe un jour sur un vieux carnet de sa femme décrivant les caractéristiques physiques d'un certain Léon ...
Aussitôt persuadé que sa femme le trompe, il la file au travers des rues parisiennes, rencontre un Léon (mais est-ce le bon ?), le file à son tour nous entraînant dans ses balades diurnes et nocturnes au travers des ruelles du Marais, et de ses bars ... puis la trompe avec sa meilleure amie et en profite pour nous décrire avec une extrême précision l'anatomie de l'amie de sa femme et le détail de leurs ébats ...
La fin de ce roman en sera presque le meilleur moment ...
Je me suis prodigieusement ennuyée avec les masturbations intellectuelles et les descriptions de sexe de cet auteur dont je découvrais ce premier opus mais dont je ne rechercherai certainement pas les prochaines productions ...
Le premier miracle de Gilles Legardinier
Je n'avais pas du tout accroché à la lecture de 'Demain j'arrête', mais j'avais bien aimé tant 'Nous étions les hommes' que 'L'exil des anges, alors, quand j'ai vu que Gilles Legardinier avait écrit un nouveau "thriller", je n'ai pas résisté à l'emprunter à la bibliothèque numérique de la Ville de Paris.
J'ai ainsi fait la connaissance de Ben, un historien qui cache sa timidité derrière un humour potache parfois exaspérant. Ben c'est un peu Indiana Jones ou Robert Langdon ...
Comme eux, il est à deux doigts de sauver le monde, mais de manière bien moins rocambolesque et en n'ayant affaire qu'à un grand méchant (bien entouré cela dit ... ) ...
Heureusement Karen est là pour le protéger ...
Un roman d'aventures très bien documenté, qui nous entraîne dans une enquête historico-mystico-archéologique reliant alchimistes et civilisations disparues ...
Roman un peu trop gentil à mon goût, avec des rebondissements et des voyages parfois tirés par les cheveux où on trouve à la fois quelques longueurs et quelques ellipses ...
J'ai passé un bon moment avec ce roman ... qui est parfait pour l'été et le farniente ... mais que j'ai lu en hiver !
Les chemins de la haine de Eva Dolan
Figurant en tête du classement des meilleurs polars de l'année 2018 pour Le Monde, qui l'avait déjà salué dans sa liste des polars de l'été, j'attendais depuis près de 6 mois le bon moment pour me plonger dans ce roman ...
Je l'ai déniché fin février sur les rayons virtuels de la Bibliothèque numérique de la Ville de Paris, et je me suis régalée.
Les chemins de la haine est un polar atypique à plusieurs titres.
Le lieu, d'abord ... Qui connait Peterborough ? Son équipe de foot évolue en 3° division, elle n'abrite ni bâtiment remarquable, ni homme célèbre ... quelques vestiges de l'occupation romaine et le plus gros fossile de poisson jamais découvert ! C'est juste une ville moyenne des Midlands à quelques encablures de Leicester et de Birmingham.
Et après avoir lu ce roman ... qui irait ?
Eva Dolan décrit une ville où les différentes vagues d'immigration des années 60 (Polonais, portugais, puis "Pakistanais", jamaïcains) laissent aujourd'hui la place aux immigrants illégaux venus d'Europe de l'Est et du Sud, voire d'Asie ...
Preuve de cette évolution, l'équipe d'enquêteurs qui entre en scène qu début du roman est composé d'un Polonais et d'une portugaise de 2ème génération.
Au menu : un corps calciné découvert dans l'abri de jardin d'un couple banal ...
Au fil de l'enquête on croisera des négriers modernes, des serveuses-prostituées, un estonien à la recherche de son frère ...
Bref, sur fond de montée des mouvements nationalistes, un roman qui évoque la misère financière de la police britannique, des équipes qui manquent cruellement de personnel, des légistes surbookés ... tout ce qui est si bien édulcoré au pays de Midsommer où évolue depuis plus de 20 ans l'Inspecteur Barnaby.
Un bon roman, une écriture efficace malgré quelques longueurs dans le milieu du texte qui aurait gagné à être plus court de quelques dizaines de pages ...
J'attends quand même le prochain opus de l'auteur pour savoir comment elle se renouvellera ....
Surdose d'Alexandre Kauffmann
Le journaliste Alexandre Kauffmann a passé un an dans l’unité Surdose de la brigade des stupéfiants de Paris.
Au delà de la poursuite des trafiquants, cette unité part des victimes d’overdose pour remonter les filières et boucler les vendeurs de mort.
Les victimes de surdose ne sont plus les mêmes que dans les années 70, empreintes de French connection ou de La Dérobade, ayant succombé à une trop forte dose d'héroïne.
Aujourd'hui, tant les consommateurs que les drogues ont évolué ; les victimes de surdose peuvent tout aussi bien être un dentiste, une jeune fille de bonne famille et un informaticien !
Ces trois cas évoqués dans le récit d'Alexandre Kauffmann sont morts d'une overdose à Paris, en 2016, l'une après avoir pris de la cocaïne, l'autre de la MDMA et le troisième à cause d'un mélange de méphédrone et de GHB.
En étudiant les sms et appels téléphoniques des victimes, les policiers remontent peu à peu les filières de ce qui semble être des 'cocaïne call centers' qui contactent ensuite des livreurs qui n'ont sur eux que des doses minimes ... juste la masse à livrer ...
Enquêtes longues et minutieuses, les policiers de cette équipe ne font pas dans les coups d'éclat mais dans la justice, pour ces morts qui cherchaient juste du plaisir ...
Aussi passionnant qu’un roman policier, aussi captivant qu'un épisode d'Engrenages, j'ai dévoré ce récit d’une traite.
Edmond d'Alexis Michalik
Comme le précise l'auteur dans la préface de l'édition Livre de Poche de cette pièce de théâtre, nous sommes dans une triple mise en abîme : la pièce dans la pièce, la pièce dans le film, le film dans la pièce !
Donc pour résumer brièvement ce texte éblouissant : Edmond raconte les difficultés d'Edmond Rostand qui s'acharne à écrire de pièces en vers, pièces saluées pour la prouesse mais qui ne trouvent pas de public, en ces temps où Feydeau et Courteline remplissent les salles ...
Son inspiration semble tarie jusqu'à ce qu'il découvre (ou redécouvre) par hasard Cyrano de Bergerac et qu'une jolie habilleuse devienne sa muse - en tout bien tout honneur : Edmond est toujours fou amoureux de son épouse !
Nous voilà donc dans le Paris de 1897, au moment où les Frères Lumière projettent leur premier film, où Sarah Bernhardt triomphe sur les planches,où riches et pauvres se pressent au théâtre et Edmond n'a qu'une semaine pour écrire et monter cette pièce : il a le théâtre, les acteurs ... et il écrit ses actes sous nos yeux, fébrile ...
Et quelle pièce, celle qui va devenir LE succès de l'année et du siècle à venir, devenir film ...
et aujourd'hui, Aelxis Michalik écrit l'histoire de cette création, qui est devenu une pièce à succès ... et un film !
Je n'ai pas l'habitude de lire des pièces de théâtre, je perds facilement le fil des dialogues et distingue mal les personnages, or avec ce texte, rien de cela ne s'est produit ...
La malédiction est peut être rompue, je vais essayer de lire d'autres ouvrages de ce genre
Merci à la fondation Orange et au Livre de Poche de m'avoir fait parvenir ce livre :)
Une nuit à Manosque
Ce recueil de nouvelles recueille des textes de nombreux auteurs français et étrangers ayant participé au Festival des Correspondances organisé à Manosque.
Pour la vingtième édition du Festival, certains ont accepté de partager des souvenirs, des aventures, mésaventures, rêves ou cauchemars qui ont leur sont arrivés lors des éditions précédentes ...
Récits disparates, certains évoquant Honorade de Voland, cette jeune fille qui s'était vitriolée pour échapper à la couche du roi François Ier de passage à Manosque au XVIème siècle, et qui, depuis hante les nuits du village ...
D'autres ont partagé leurs nuits de beuverie, dans un bar fermé depuis des décennies, des rencontres de fantômes bien réels pourtant ...
Malgré leur qualité inégale, j'ai pris un certain plaisir à la lecture de ces textes ... et cela a conforté mon envie d'aller un jour assister à ce festival et rencontrer les auteurs qui y lisent des textes et des lettres ...
Vigile de Hyam ZAYTOUN
Un bruit étrange réveille la narratrice au milieu de la nuit.
Il émane de son compagnon, couché auprès d'elle.
Ce vrombissement, c'est sa respiration. Il est trempé de sueur.
Elle allume la lumière, découvre qu'il a les yeux fixes qu'il ne respire plus, que son coeur ne bat plus ...
Ces souvenirs de cours de secourisme lui reviennent et elle lui fait un massage cardiaque, appelle le 18 ...
Les pompiers l'emportent à l'hôpital où il sera opéré puis mis en coma artificiel.
Hyam Zaytoun nous raconte tout ce qui se passe ensuite : les coups de téléphone aux parents, aux frères et soeurs, aux amis, aux employeurs, les rendez-vous à annuler, l'attente des rencontres avec les médecins, du décryptage de leurs informations, l'angoisse de ce qui se passera si, la peur de ne pas arriver à gérer l'intendance de la maison ...
Elle décrit très bien toutes ces idées qui pullulent sur ce qu'il faudra faire au quotidien, sur le futur rêvé qui s'effondre, sur la gestion des enfants qu'il faut protéger sans rien leur cacher ...
Elle insiste sur la chaleur enveloppante des parents et des amis qui s'occupent du quotidien la laissant à l'essentiel : rester au chevet de son homme et lui parler, lui raconter leur vie, ses souvenirs, tout ce qui doit le ramener à la vie.
Elle évoque les injonctions prédictives de sa fille de six ans pour que son père revienne ...
Un texte court (125) pages, poignant ...
Un style ramassé, sans fioritures, qui raconte sèchement la douleur brute de ces moments où il faut s'oublier pour accompagner et survivre.
Tout ce dont on rêvait de François ROUX
J'ai découvert François Roux en 2014, quand j'avais reçu "Bonheur national brut", lors d'une opération Masse critique de Babelio.
J'en avais bien aimé le ton, l'ancrage politique de l'histoire de cette bande de copains dont l'amitié traversait les dernières années du XXème siècle ...
"Tout ce dont on rêvait" est un roman beaucoup plus intimiste, qui nous plonge dans la famille de Justine et Nicolas, à l'approche de leur cinquantaine, parents parisiens de deux ados.
Rien n'aurait dû rapprocher ces deux là, si ce n'est Alex, frère de Nicolas et amant de Justine, qui une fois larguée, avait accepté les avances de Nicolas ...
Parce que la question fondamentale de 'Que veut Justine ?', 'A quoi rêve Justine ?' ... et bien Justine ne semble pas en avoir la réponse.
Elle a grandi en opposition à un père qui la méprisait, comme il méprisait toutes les femmes et le monde entier sauf lui. Ecrivain non publié, grand baratineur, Joseph a passé la vie de Jusiine à la rabaisser et à lui refuser l'amour paternel qu'elle attendait, condition sine qua non de la construction de la confiance en soi.
Devenue infirmière, Justine s'est spécialisée en addictologie, des accros à l'alcool ou aux drogues, au jeu, et même aux victimes de burn-out ...
Nicolas,lui est directeur administratif et financier d'un palace parisien... jusqu'au jour où ce palace est racheté par des investisseurs qataris et que son poste sera un des premiers visés dans la chasse aux doublons !
Et voilà comment l'équilibre se rompt.
Qu'après les premiers mois passés à l'abri du parachute doré, les fissures vont apparaître, les non-dits, les attentes oubliées, les habitudes qu'on n'envisage pas de modifier ...
Un roman qui laisse un goût un peu amer, le goût d'une vie où on se laissait vivre sans savoir qu'elle était si agréable car elle n'était que de la routine, une routine qui manque cruellement lorsqu'elle disparaît ...
Un roman qui finit sur une touche d'espoir mâtiné de l'abandon d'un rêve plus grand ... mais la difficulté n'est-elle pas de rester, d'affronter a vie quotidienne, le quotidien du couple et des enfants, la conservation des souvenirs d'une vie tissés ensemble et qui mourront si le couple se sépare ?
Un roman qui confirme mon intérêt dans les ouvrages de cet auteur.
A suivre ...
Parlez-moi d'amour de XINRAN
J'avais découvert Xinran au début de ce siècle avec l'excellentissime 'Funérailles célestes'.
Quelques années plus tard, je m'étais régalée de 'Messages de mères inconnues' qui évoquait le triste sort des mères chinoises, qui devaient abandonner leurs premiers nés mâles aux bons soins de leur belle famille et leurs filles à l'abandon car il ne fait pas bon être fille ...
Puis, pendant des années, je n'avais plus trouvé de nouveaux ouvrages de Xinran sur les rayonnages de ma médiathèque, ni en version poche ... jusqu'à ce que je m'inscrive dans une bibliothèque de la Ville de Paris et que je trouve ses ouvrages en version électronique ...
Avec ce nouvel opus, Xinran nous raconte l'histoire des chinoises et de l'amour sur quatre générations d'une même famille dont elle a recueilli les témoignages ...
Tout avait commencé en 2012, lors d'une discussion sur l'amour entre Xinran et son époux anglais, puis à une recherche dans un dictionnaire chinois, où elle avait trouvé cette définition pour le moins austère et factuelle : « Parler d’amour » est une forme d’activité sociale. Elle consiste à entretenir un sentiment amoureux ou une relation fondée sur l’amour. Il s’agit essentiellement d’un échange entre deux parties. En général, si cet échange est réussi, les deux personnes concernées se marient, vivent ensemble et élèvent la génération suivante. Les obligations morales impliquées sont les suivantes : premièrement, respecter l’égalité au sein du couple ; deuxièmement, assumer ses responsabilités ; troisièmement, s’aimer avec humilité.
Journaliste célèbre en Chine et en Occident pour les témoignages qu'elle apporte sur les réalités de la vie quotidienne en Chine, une amie de sa famille va lui permettre de rencontrer Rouge, fille ainée des Han née en 1920, puis, par son intermédiaire, ses deux jeunes soeurs : Orange née en 1930 et Verte en 1932. A leur tour ces deux femmes lui permettront d'entrer en contact avec leurs filles et de brosser ainsi le portrait de 4 générations de femmes chinoises.
Rouge témoignera sur la vie de ses parents, dans la Chine d'avant la Révolution et sur la sienne, les autres décriront la vie pendant la période révolutionnaire, les luttes internes dans la Chine en guerre ... puis la révolution culturelle, la vie à la campagne, ... et finalement aujourd'hui, des jeunes femmes qui ressemblent beaucoup à leurs homologues occidentales ...
Un ouvrage passionnant qui se lit comme un roman