romans du moyen orient
Une, deux, trois de Dror MISHANI
La première, c'est Orna, jeune enseignante au divorce douloureux qui passe son temps à accompagner la détresse de son fils en oubliant la sienne
La deuxième c'est Emilia, émigrée lettone de cinquante ans, auxiliaire de vie anla situation précaire tant financièrement que sentimentalement
La troisième, c'est Ella, jeune mère de famille débordée par ses trois enfants et son mari jaloux, qui a choisi le calme relatif d'un café pour écrire sa thèse.
Leur point commun Guil, bel avocat en instance de divorce qui les drague et les laisse tomber amoureuses de lui ...
Je m'arrête là pour ne rien divulguer mais ce roman extrêmement bien construit ma laissée sur ma faim.
Quel mobile pousse au crime ?
J'aime bien savoir et je n'ai pas su !
Bref un bon roman qui aurait mérité quelques pages supplémentaires !
Une soupe à la grenade de Marsha Mehran
Dans un tout petit village irlandais, en 1985, arrivent trois jeunes filles iraniennes qui ont fui la révolution islamique.
L'une est lycéenne, une est cuisinière, l'autre noie sa peur dans un travail acharné.
Un récit où vont se dévoiler peu à peu les secrets de chacune, un village où il faut du temps pou rêtre accepté, mais où la bienveillance et les bonnes gens permettent le partage ...
Une narration dont tous les chapitres sont séparés par les recettes de cuisine concoctées et servies par les trois sœurs, qui vont attirer les villageois alléchés par ces odeurs étranges et envoûtantes ...
Un roman découvert par hasard et dont je me suis régalée à tous les sens du terme !
Une auteur à la trajectoire tragique morte malheureusement bien trop tôt !
La terre qui les sépare de Hisham Matar
Un roman, non un récit sur l'exil sur les exilés, sur l'amour de la terre natale, le besoin de savoir, la 'impérieuse nécessité d'y revenir pour tarir les blessures de l'âme ...
Un ouvrage emprunté à la médiathèque pour ma mauvaise raison habituelle : cocher un nouveau pays dans mon challenge Globe trotter, mais un livre qui m'a captivée d'un bout à l'autre par la qualité et la poésie de l'écriture, les méandres des souvenirs et ce récit plein d'amour de ce fils qui veut obtenir la preuve de la mort de son père afin de pouvoir, enfin, en faire le deuil.
Ce récit qui court sur plusieurs souvenirs évoque la vie de l'auteur, et de son père, Jaballa Matar, qui, après avoir fui en Egypte avec toute sa famille a été enlevé, enfin remis par la police égyptienne aux services libyens. Jaballa Matar, opposant dès le début au régime de Khadafi, avait rapidement quitté son pays natal à l'avènement du régime et s'était caché, en Europe puis en Egypte. Ses fils furent inscrits dans des écoles suisses et britanniques sous de faux noms, mais firent l'objet de tentatives d'enlèvement ...
Après l'emprisonnement du père, sa famille reçut des lettres, envoyées secrètement et passées de mains dissidentes en mains amies ... et puis, en 1990 : plus rien.
Vingt ans plus tard, Hisham Matar va reprendre l'enquête, sollicitant ONG et gouvernements, retournant en Lybie, rencontrant des dignitaires du régime qui font traîner leurs réponses en longueur ...
Un récit que j'ai trouvé terriblement émouvant sur la construction de l'Homme qu'est devenu l'auteur, sur son enfance, sur l'amour qui l'a toujours lié à ses parents, malgré l'absence et l'amour de la terre familiale, de la famille élargie, des liens persistants entre ceux qui sont restés et ceux qui ont fui.
Un récit très bien servi par une traduction certainement à la hauteur du texte original. Un texte qui mérite amplement le Prix Pulitzer de la biographie reçu en 2017.
Le silence d'Isra de Etaf Rum
Un roman découvert grâce au challenge Globe trotter des lecteurs de Babelio, il allait en effet me permettre de partir en Palestine, destination dont je n'avais pas encore trouvé d'auteur !
Mais je ne pensais pas trouver un roman d'une telle force, un roman que je lirais d'une traite ou presque, en moins de 24 heures, tant il était passionnant.
Etaf Rum nous raconte l'histoire d'Isra, jeune fille de Palestine qui a 17 ans en 1990 quand elle est mariée à Adam, dont les parents sont spécialement venus d'Amérique pour trouver une bonne épouse pour le fils aîné.
Isra est une jeune fille accomplie qui aide sa mère à tenir la maison, cuisiner, servir les hommes ... mais elle aime lire (en cachette, à la lumière de la lune), rêver tout en cueillant les fruits qui poussent dans les champs autour de leur maison.
A priori contente de partir dans une Amérique rêvée, elle se retrouve à Brooklyn, dans une chambre en sous-sol de l'appartement de ses beaux-parents à aider sa belle-mère, Farida, encore davantage qu'elle n'aidait sa mère à tenir sa maison. Son mari s'épuise à seconder son père et à subvenir aux besoins de la maisonnée, alors que ses jeunes frères profitent ...
Mais l'opprobre tombe quand Isra donne naissance à une fille puis à une autre ...
Les chapitres décrivant la vie d'Isra alternent avec ceux évoquant Deya, 18 ans en 2008, fille aînée d'Isra, qui commence à regimber quand Farida songe à la marier.
Trois générations de femmes, sous la coupe des traditions, de l'asservissement aux hommes qui ont sur elles tous les droits.
Trois femmes qui sauront ou pas se sortir de l'emprise des traditions, des lois de la famille, du bon plaisir des hommes.
Trois femmes puissantes, même si elles ne le semblent pas au premier abord.
Un premier roman qui est déjà un très grand roman.
Une auteur que je découvre et dont je vais guetter avec attention les prochaines productions !
Labyrinthe de Burhan Sönmez
Boratine, un jeune chanteur de blues turc saute dans le Bosphore depuis l'un des ponts qui l'enjambe.
Il se retrouve à l'hôpital, une côte cassée et amnésique.
Il n'a plus aucun souvenir de sa vie, de ses amis, de son enfance.
Rentré chez lui, dans l'espoir de raviver ses souvenirs dans un environnement connu et rassurant, il se sent toujours étranger à ce qui l'entoure.
En compagnie d'un ami qui prend soin de lui, lui remplit son frigo, il reverra son groupe de jazz, mais la musique qui était as vie l'ennuie et il n'y distingue que dissonances entre paroles et musiques pourtant de son cru.
Il erre la nuit dans la ville, sans but ...
Un roman qui commençait très bien mais qui, petit à petit, s'enferme, et tourne sur lui-même sans qu'on sache vraiment si Boratine est toujours à la recherche de son ancienne vie, des motifs de sa tentative de suicide ou s'il décide de la redémarrer.
Un engluement qui m'a ennuyée ... J'ai quand même fini ce roman mais rapidement, comme pour quitter au plus vite cette ambiance pesante et sans grand espoir que la situation s'améliore un jour ...
Mon nom est Salma de Fadia Faqir
Dans son pays natal, Salma a été emprisonnée car elle avait eu des relations hors mariage et attendait un enfant !
Elle a accouché en prison et on lui a aussitôt enlevé son enfant
Avec la complicité de religieuses, elle a pu s’échapper de la prison, où elle risquait d’être assassinée par un de ses frères pour avoir apporté la honte sur leur famille,
Adoptée par ses auveurs, elle a acquis la naionalité britannique et est arrivée en Angleterre où grâce à ses dons de couturière elle a trouvé un job au noir chez un tailleur, une chambre chez une vieille dame alcoolique et un second job au pub local,
Son récit est composé de flash backs qui nous racontent son enfance de bédouine, son adolescence, les parfums des plats concoctés par sa mère, le goût des fruits et des douceurs de son pays , Ces chapitres alternent avec le récit de sa vie en Angleterre, la difficulté de vivre dans un pays dont on parle mal la langue, la découverte de la culture, des habitudes des relations entres anciens colons et épiciers indo-pakistanais
Un roman qui traite de l’exil de la difficulté de refaire sa vie
Un roman doux amer, une nouvelle voix dont j’aimerais bien trouver de nouveaux écrits
Le secret ottoman de Raymond KHOURY
Cela fait une éternité que je n'avais as lu de roman de Raymond Khoury, et pourtant j'aimais bien cet auteur.
Quand j'ai aperçu 'Le secret ottoman', tout juste sorti de quarantaine, lors de ma dernière visite à la médiathèque, je n'ai pas hésité une seconde ...
Et une fois plongée dans ce récit rocambolesque, je n'en suis pas sortie (ou presque)
Cette uchronie nous conduit tout d'abord en 1682 lorsque Mehmed IV, sultan de l'empire ottoman assiège Vienne, capitale du Saint Empire Romain germanique. Un étrange visiteur rend visite au sultan et lui donne les clés de la victoire.
Quelques pages plus loin, on arrive dans le Paris de 2017.
Mais un Paris qui a une toute autre allure que celui de notre temps.
La bataille de 1682 a été gagnée par les Turcs qui dominent donc l'Europe. Les églises médiévales sont agrémentées de coupoles musulmanes. Le pays est soumis aux règles de l'Islam. La police parisienne n'a rien à envier à la turque ...
Le héros de ce roman, Kamal est dans la branche de la police qui traque les dissidents, ceux qui surfent sur des sites à la limite des interdits ou qui militent, comme sa belle-sœur Nisrine, pour un assouplissement des règles ...
Un patient couvert de tatouages vient se faire soigner à l'hôpital où exerce le mari de Nisrine. A son réveil d'anesthésie, il raconte son histoire ... il détiendrait le secret du voyage dans le temps ...
S'en suit une histoire rocambolesque et passionnante à travers l'Europe et à travers les âges.
De belles inventions , une recréation étonnante de notre présent
une uchronie comme je les aime avec juste ce qu'il faut de différence et de similitudes pour nous montrer ce qui aurait pu être et nous faire réfléchir à ce qui a été.
Une réussité !
Les imparfaits de Sandrine Yazbeck
Ils étaient trois, Howard, l'anglais devenu directeur de la rédaction d'un grand journal, Gamal, anglo-égyptien marqué par la guerre depuis son plus jeune âge et qui, devenu reporter de guerre, a accumulé les prix les plus prestigieux ...
Et il y avait Clara, la lumineuse italienne que Gamal avait épousée, mais qu'Howard convoitait secrètement
Clara qui n'en pouvait plus de ne pas connaître la vie toujours cachée de Gamal, celle d'avant leur mariage, il y a plus de trente ans ...
Alors elle est partie ...
Et Gamal ne l'a pas cherchée ...
Dans un roman à trois voix, où le passé et le présent de chacun se dévoilent petit à petit, on ne peut que regretter que ces trois là n'aient pas plus exprimé leurs sentiments.
J'ai eu l'impression que le poids du passé et de secrets les avaient fait passer à côté de davantage de bonheur ...
Une histoire d'amour, de passion, de blessures secrètes ...
Un grand roman que j'aurais aimé bien plus long que ces courtes 151 pages qui m'ont donné envie de côtoyer davantage ces trois personnages.
Une auteur découverte par hasard sur les étagères virtuelles de ma médiathèques où j'avais réservé ce livre en click-and-collect selon la formule consacrée pendant ce second confinement.
L'architecte du sultan d'Elif SHAFAK
Dans ce roman, Elif Shafak nous raconte la vie de Jahan, un jeune indien de l'Hindoustan qui quitte sa famille pour accompagner Chota, l'éléphant blanc, qu'il a élevé au biberon, jusqu'à la lointaine Turquie.
Son amour pour Chota lui permettra d'en être le cornac, grâce à la bienveillance de certains autres dompteurs de la ménagerie du sultan. Il apercevra ainsi la belle princesse Mirinmah, dont il tombera fou amoureux ....
C'est aussi grâce à Chota qu'il deviendra l'apprenti de Sinan, l'architecte du sultan, celui qui en cette fin du XVIème siècle, rénova Istanbul après une carrière militaire où il construisait des ponts pour l'armée.
Dans ce roman, véritable ode à l'architecture, J'ai apprécié l'évocation de Vitruve, cet architecte romain de l'époque d'Auguste pour qui les constructions devaient être durables, belles et utiles - ce qu'il est toujours important de rappeler :)
Ce roman comporte de multiples personnages, qui s'entrecroisent avec quelques haines tenaces, de grandes amitiés incongrues et finalement peu d'amour, sans oublier de nombreux rebondissements, quelques épisodes de peste, de guerres, et de luttes intestines au sein de chaque communauté ... mais un roman où il manque le souffle épique de Dumas pour que je sois emportée par le récit par endroits un peu poussif et répétitif.
J'ai cependant suffisamment apprécié pour savoir qu'un jour je lirai un autre roman de cet auteur dont on m'a dit beaucoup de bien :)
Le pays du Commandeur de Ali Al-Muqri
Le romancier égyptien Ali, vient tout juste de perdre la course au prix littéraire Shéhérazade qui lui aurait permis de aurait gagner l'argent nécessaire au traitement de son épouse atteinte d'un cancer, et d'acquérir ce surplus de notoriété qui lui aurait assuré un avenir radieux.
Contacté par Le Commandeur, dirigeant dictateur de l'Irassibye, Ali accepte de rédiger la biographie de cet être suprême qui règne brutalement sur son peuple asservi.
Ce roman décrit la genèse de cette biographie, les réunions interminables avec le comité de lecture pour en définir le plan puis les titres des chapitres, les séances de validation des textes avec le Commandeur himself, sur fond de sourdes révoltes et de germes d'opposition vite réprimés dans le sang ou par des disparitions inexpliquées.
Sans nouvelles de son épouse, Ali fait de son mieux, puisant dans les textes saints eux-mêmes pour rédiger la meilleure hagiographie possible, repoussant du mieux possible les avances de la fille du commandeur, et se faisant le plus discret possible dans sa recherches d'anecdotes pour émailler son texte de vrais éléments biographiques.
Au fil de ses découvertes, son objectif sera de sauver sa peau, et d'obtenir des nouvelles de son épouse ...
La fin sera tragique ...
Toute ressemblance entre la vie du Commandeur et celle d'un dictateur des rives de la Méditerranée n'est bien évidemment que pure coïncidence !
Un court roman qui aurait gagné à être plus long pour donner davantage de corps aux personnages secondaires, la cuisinière notamment, bien que ce format court donne davantage de force à la description succincte des horreurs.
Un roman d'un auteur yéménite que j'ai été surprise de trouver sur la table des nouveautés de ma médiathèque ... à qui je vais conseiller d'acquérir d'autres ouvrages d'Ali Al-Muqri !